Initiative de journalisme local
Sherbrooke — Plusieurs restaurateurs ont une fois de plus réalisé l’impossible afin de recevoir leurs premiers clients en salle à manger lundi. Les nouvelles exigences nécessitent certes un bon sens de l’organisation, mais ceux-ci se font rassurants : il est tout à fait possible — et attendu — que certaines tables soient réservées seulement quelques minutes à l’avance. L’heure du dîner a connu un achalandage plutôt modéré au Siboire Dépôt, lundi. En cette première journée de réouverture, le directeur de succursale, Christophe Darveau, s’attendait à servir davantage de Sherbrookois. Cependant, les réservations pour la soirée continuaient toujours de se multiplier. « Ce sera un gros lundi, plus qu’à l’habitude. Les gens qui vont venir avaient certainement très hâte de sortir, on est vraiment heureux de les accueillir », se réjouissait-il. En début d’après-midi, Yanfi et Catherine s’étaient arrêtées à l’établissement du centre-ville pour y manger un morceau. Les deux amies se promenaient autour du lac des Nations quand elles ont eu envie de célébrer le déconfinement graduel de la région. « Ça faisait longtemps qu’on se disait qu’on irait manger une frite quand on pourrait le faire ! » raconte Catherine. La réservation obligatoire, qui fait partie des nouvelles règles en vigueur pour les établissements en zone orange, ne les a pas trop freinées. « On a appelé pour voir s’il y avait de la place, et on a dit “parfait, on arrive dans dix minutes !” » avance Yanfi. En somme, des clientes bien à l’image de ce qu’envisage le restaurant pour les semaines à venir. « On a eu un bon boost de réservations dans les derniers jours, mais on s’attend à ce qu’environ 50 % de la clientèle réserve cinq minutes avant d’arriver », avance M. Darveau, qui place à 19 h la limite pour réserver. Parmi les consignes qu’elle a fait parvenir aux établissements, l’Association des restaurateurs du Québec mentionne d’ailleurs que « les clients doivent téléphoner ou réserver en ligne avant de se présenter sur place au restaurant », mais « cela peut se faire au dernier moment : dans l’auto, sur le trottoir, etc. ». À quelques centaines de mètres de là, le Boquébière se préparait également pour sa grande réouverture, à 16 h. En matinée, un peu plus d’une dizaine de réservations avaient été effectuées pour le soir même. Afin de ne pas surcharger l’équipe pour la prise de réservations, l’entreprise a choisi d’adopter la plateforme Libro, qui offre un système de réservation en ligne clé en main aux restaurateurs. Des plages horaires de deux heures sont prévues pour la trentaine de tables disponibles. Celles-ci peuvent s’effectuer en temps réel, tant que l’heure de la fermeture, soit 21 h, n’est pas trop près. « On va se réajuster, dépendamment de comment ça va se passer ce soir [lundi], commente l’un des propriétaires, Charles Gagné. On a hâte de voir parce qu’on s’attend à avoir beaucoup de réservations de dernière minute. Les réservations à l’avance ne seront pas si représentatives que ça de la soirée. » Les trois propriétaires, qui ont fait l’acquisition de l’entreprise il y a un an, étaient impatients d’ouvrir. « C’est certain que ça nous a demandé encore une fois de nous revirer sur un dix cents, mais ce n’est pas si mal pour le moment. Ça a fait du bien d’avoir un peu d’adrénaline. Je suis allé chercher de la bière à Windsor et à Cookshire-Eaton pour remplir mes lignes, et nos fournisseurs pour la cuisine ont été incroyables : ils nous ont tout livré en l’espace de trois jours », explique M. Gagné. Un verre... et de la nourriture Le Siboire Dépôt et le Boquébière sont surtout reconnus pour leur ambiance de soirée. Ceux-ci peuvent accueillir des clients à l’heure actuelle grâce à leur permis de restauration, mais cela implique que ces derniers ne peuvent consommer de l’alcool que si de la nourriture l’accompagne. Un grand défi ? « Dans un monde idéal, on espérerait qu’il n’y ait pas ce règlement-là, mais je pense qu’au final, les gens vont vouloir consommer de la nourriture juste pour prendre une bière. Une des raisons pour lesquelles on a décidé d’ouvrir, c’est qu’on sentait que les gens avaient besoin de sortir », croit Charles Gagné, dont le moral s’améliore grandement aussi. Pas d’inquiétude non plus au Siboire, puisque l’offre culinaire avait été agrandie l’an dernier et qu’un nouveau produit avait été créé pour répondre à ce besoin spécifique : la demi-frite à 3 $. Employés au rendez-vous Toute l’équipe était prête à revenir pour faire revivre le Boquébière, qui servait toujours des repas pour emporter pendant le confinement. « On est parmi les très privilégiés, on n’a perdu personne jusqu’à maintenant », dit M. Gagné. Idem pour le Siboire, qui mettait au travail lundi sa serveuse « doyenne », Alex Vaillancourt qui fêtera ses 12 ans auprès du Siboire cette année. « J’étais vraiment stressée ce matin, ça faisait longtemps que je n’avais pas vu personne. Mais là il y a du monde, tout le monde est de bonne humeur, ça fait du bien ! » confie-t-elle. Jasmine Rondeau, Initiative de journalisme local, La Tribune